En vue des murailles

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En vue des murailles
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La route

De forêt en prairie maigre, de marécage spongieux en crète rocailleuse, elle sinue en direction de la Forteresse. Raboteuse la plupart du temps, elle peut devenir un véritable bourbier quand il pleut. Parfois protégée par des murets de pierre sèche, parfois réduite à une vague trouée entre les troncs et les racines, la route débouche après maints détours à l'entrée du village au pied du château. Elle continue après l'avoir traversé, enlace la colline pierreuse et finit devant les grandes portes.
Ne vous fiez pas à l'illusion de sécurité qui vient des traces de chariots ou des murets ou des flambeaux qui, la nuit, soulignent la montée vers les murailles jadis puissantes. La route n'est pas sûre, pour personne.

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Le village

Lugubre. Sordide. A foutre le frisson.
Y entrer, c'est avoir immédiatement l'envie d'en déguerpir. Ou alors on aime la boue puante et collante, les pierres qui suent la misère et les toits pourris. Quelques chiens au cul fuyant, quelques chats aux yeux malveillants. Et des rats. Plein de rats. Peut-être un vague regard derrière un volet de bois qui claque aussitôt sur votre passage.
Il y a une taverne, cependant, à la salle basse et enfumée, une taverne qui pue comme une fosse d'aisance où on aurait plus dégueulé de bière aigre que pissé ladite bière. Le tenancier est borgne et morose, sa fille est boiteuse, blafarde, et moche comme une vache crevée depuis trois semaines. Il y a à manger, et à boire aussi, si on n'est pas trop regardant sur la qualité. Le souci, ici, c'est la compagnie. Ceux qui ont pendu l'homme qui se balance à la place de l'enseigne du forgeron, il y a quelques semaines... Oui, eux. Ils viennent, parfois.

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Les bois

On les traverse par la route, de jour. C'est plus prudent. Aucun sentier ne s'y prolonge plus de quelques centaines de pas. Aucun arbre ne garde ses racines dans le sol, c'est comme s'ils les laissaient émerger rien que pour y accrocher pied, patte ou sabot. Les rivières sont froides et encaissées dans de profonds ravins aux pentes abruptes. Les rochers se dressent en masses grises glissantes de mousse. Et par endroits, on y trouve même des fondrières.
On peut y chasser, si on est prudent. On peut s'y cacher, si on est désespéré.
On peut s'y perdre. Y errer. Y mourir.
Mais peut-être que cela vaut mieux que d'atteindre l'autre côté.

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Le bouffon
Mer 1 Mai - 23:10
Estendra

Les rives du lac

Depuis la forteresse on voit à quel point il est immense, ce lac, immense au point que l'autre rive reste invisible même par temps clair. Depuis la rive, c'est juste un lac comme les autres. La brume flotte souvent sur ses eaux sombres. Il s'agit d'avancer avec prudence, car les berges sont trompeuses, tantôt fermes, tantôt glissantes. Quand le vent balaie la brume, le clapotis des eaux sonne contre les rivages, et on dit que naviguer sur les eaux sombres relève alors de l'envie suicidaire, tellement les vagues peuvent devenir dangereuses, là-bas. Près du rivage, ça paraît toujours calme, pourtant. Voire mort.
L'odeur de la vase, le cri désolé d'un oiseau pêcheur. Et là, le quai de bois à moitié pourri qui s'avance et se perd dans la brume. Une barque à l'amarre, immobile. Il fait froid et humide. C'est un mauvais endroit.
Moins mauvais pourtant que la masse de pierres branlantes qui se dresse là-haut, au-dessus de la brume grise et morne.

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